#3 Que c’est beau les Voyages de Barbara
Aujourd’hui, j’ai envie de favoriser le songe le temps d’une chanson.
Aujourd’hui, j’ai envie de favoriser le songe le temps d’une chanson.
Deux raisons principales me poussent à vous partager cette pépite découverte chez un ami [ Il se reconnaitra.] Tout d’abord c’est ma deuxième chanson préférée de Barbara et je trouve que l’on s’attarde que trop rarement sur les deuxièmes. Et surtout cette chanson a été l’amorce d’une conversation très enrichissante sur nos conceptions respectives du voyage.
Véritables leçons de vie en accéléré, les apprentissages et les raisons du voyage sont exposés par Barbara avec une telle acuité dans les paroles. A chaque écoute, je prolonge avec douceur ma réflexion sur ce que signifie voyager pour moi.
“Que c’est beau, les voyages
Qui effacent au loin
Nos larmes et nos chagrins,”
Avec cette élégance de la simplicité Barbara commence par évoquer ce pourquoi la plupart des voyages sont initiés: Partir et fuir quelqu’un ou quelque chose, effacer et oublier les mauvais souvenirs au profit de nouveaux. Et pourtant, loin de tomber dans une nostalgie pathétique qui résumerait le voyage à cette fuite en avant, à cette parenthèse espérée où nous pouvons enfin souffler et réfléchir sur “la vie que l’on fait”, sur “un destin [le nôtre] que l’on refait”, elle nous invite à être résolument optimiste devant cet univers qui s’offre à nous.
“Le monde est là.
Ne craignez rien.
Il n’est pas méchant.
Il vous guidera.”
S’ouvrir à l’inconnu est devenu ma résolution à suivre. Je suis de plus en plus saisi des leçons apprises lors de mes voyages, en commençant par les premiers, familiaux, naïfs et sûrs puis ceux où on l’on se trouve seul à se découvrir soi-même et parfois dans le dur. Notamment quand je suis parti à 23 ans six mois seul en échange universitaire en Chine, un pays dont je ne connaissais ni la langue ni la culture. Je me souviens de mon premier jour, à la sortie de l’aéroport de Tianjin dans la proche banlieue de Pékin, entrer dans un taxi et dire “I would like to go to Nankai University please”. Le chauffeur s’est tourné vers moi trop poli pour refuser la course mais avec des yeux éberlués et apeurés. L’expression de mon visage devait être tout aussi désespérée que la sienne. “Il ne parle pas anglais, je ne parle pas chinois, comment vais je pouvoir arriver jusqu’à mon université?” Sachant mon talent plus que douteux à Times’up, je me voyais vraiment pas en mimer une. J’arrive finalement tant bien que mal à trouver une adresse en chinois parmi tous mes papiers. Arrivés ensuite à l’une des quatre portes d’entrée d’un campus gigantesque, le “secours” du chauffeur s’arrête aussitôt. A moi de trouver ma résidence en demandant à des gens qui rebelote ne parlent pas ou peu anglais. Au bout d’1h30 de péripéties, j’arrive enfin à trouver et je m’écroule explosé sur mon lit. Ce fut la première claque, s’en suivirent d’autres rendant ce périple inoubliable et fondateur dans ma vie.
Être ainsi dans un pays où l’on ne comprend strictement rien du fait de la barrière de la langue m’a profondément marqué. Je ne pouvais ni communiquer ni me repérer dans les rues. Poussé dans mes retranchements, j’ai dû accepter dans les premiers mois de ne pas tout contrôler et de prendre mon mal en patience le temps que j’apprenne les basiques du mandarin. Ce fût exactement le même apprentissage en faisant du stop. Embrasser la lenteur, accepter les contingences, s’abandonner à l’imprévisible. Moi l’amateur de la maîtrise et de la vitesse, j’ai compris dans le dur que quand on a pas le choix, il devient étrangement plus facile de lâcher prise. Bon, j’ai encore pas mal de boulot dans cette voie avant de devenir un maître accompli du zen et de la méditation, mes amis peuvent en témoigner.
“Et le monde nouveau
Qui s’ouvre à nos cerveaux,
Nous fait voir autrement
Et nous chante comment
La vie vaut bien le coup”
Je me suis par ailleurs rendu compte que le voyage ne consiste pas seulement à sortir de sa fameuse zone de confort. Mes voyages les plus riches sont ceux où se superposent puis se confondent le trajet géographique d’un point A à un point B avec un chemin plus intérieur et mystérieux. Tout ce cheminement intérieur m’exhorte à devenir celui qui est à mes yeux le parfait voyageur. A l’image des quêtes enfantines évoquées dans mon post précédent à propos de Nus et Culottés, je suis convaincu que l’enfant incarne ce parfait voyageur.
Il est le premier vulnérable, trop faible pour agir par lui-même. Il ne préjuge de rien et prend les choses pour ce qu’elles sont : une main tendue pour une main tendue, un sourire pour un sourire, sans se demander si c’est louche tout ça. Il se doit d’être résolument confiant et d’aller vers l’autre pour grandir. Par instinct, il suit cette magnifique citation de Proust qui consiste à dire que “Le seul véritable voyage, (…) ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux”.
Garder cette capacité d’émerveillement, y compris dans les trajets quotidiens qui semblent si monotones au premier regard. Non plus partir loin et multiplier les endroits les plus insolites et les plus exotiques mais voir avec des yeux nouveaux, accepter la surprise et écouter différemment. Le voyage commence déjà là au coin de ma rue, sur mon trajet pour aller au taff, là où je fais mes courses, là où je sors. Parfois quand je me promène, je m’exerce à considérer tout ce qui m’entoure comme si c’était la première fois que je le découvre. Le temps d’une balade, la musique coupée, mes écouteurs vissés dans mes oreilles pour atténuer le tumulte, j’écoute avec attention le bruit ambiant. Le ronronnement d’un moteur de voiture, un klaxon, le trafic, des travaux de chantier, le souffle du vent, le piaillement des oiseaux et des passants qui surgissent au loin, confus et éparses. Le temps d’un instant, je retire le filtre de la routine et je redeviens cet enfant qui s’extasie devant son quotidien avec amusement.
“Et lorsque l’on retourne chez soi,
Rien n’est comme autrefois
Car nos yeux ont changé
Et nous sommes étonnés
De voir comme nos soucis
Etaient simples et petits”
Bonne journée et bon voyage à vous tous.